Qu’elle soit adoptée ou pas, la loi sur la réforme des retraites ne changera rien à la situation précaire que vivent plusieurs milliers d’anciens travailleurs habitant dans les collectivités d’Outre-mer.

Jean-Marc Party Publié le 16 mars 2023 à 06h00, mis à jour le 16 mars 2023 à 07h17

Les retraités d’Outre-mer sont désavantagés par rapport à leurs homologues de France et le resteront longtemps. La pension de base est plus basse chez nous. L’âge de départ y est plus tardif.

Ces disparités sont causées par des carrières interrompues par le chômage, l’invalidité, le sous-emploi, l’absence de déclaration des cotisations sociales, les congés pour maternité et des salaires voisins du SMIC. La réforme en vue ne gommera pas ces disparités.

Le gouvernement n’a tenu aucun compte des alertes émises par nos parlementaires. Le ministre du Travail a promis de demander au Comité d’orientation des retraites d’étudier la situation dans les collectivités d’Outre-mer. Il reste à savoir s’il tiendra son engagement.

La revendication des manifestants s’affiche clairement en Martinique. ©Martinique la 1ère

Au-delà des discours, nous savons bien qu’il n’y aura aucune solution politique immédiate ou future pour que les retraites des anciens salariés du privé de nos territoires soient réévaluées. L’État n’a pas les moyens budgétaires de compenser les actuelles différences de traitement. En réalité, les inégalités face à la retraite s’expliquent par la faiblesse structurelle du tissu économique en Outre-mer.

Les principaux indicateurs sont bien connus : un faible niveau de qualification à cause de l’échec scolaire ; un chômage élevé, les postes proposés demandant des qualifications trop élevées par rapport au niveau moyen des chômeurs ; peu de création d’emplois, les entreprises ne disposant pas de la surface financière suffisante pour soutenir leur développement ; des salaires peu attractifs pour les travailleurs du privé.

Ces indicateurs montrent que le développement économique n’a jamais eu lieu dans les territoires d’Outre-mer. En Martinique, par exemple, l’industrie ne représente que 15% du produit intérieur brut et 15% des emplois salariés. Or, c’est l’industrie qui tire vers le haut la création de richesses dans un pays. Les salaires et les qualifications y sont plus élevés que dans l’agriculture, le tourisme et le commerce.

Aucun pays ne s’est enrichi en tablant sur la consommation de produits fabriqués ailleurs, sur l’exportation de produits agricoles non transformés et subventionnés ou sur les visites de voyageurs. Aucun pays ne s’est développé sans équipements structurants. Pourtant, ces lacunes continuent de freiner l’initiative, la libération des forces productives, la mobilisation de capitaux.

Ce schéma empêche nos territoires et leurs habitants de bâtir leur prospérité par la production de richesses, la constitution d’entreprises solides, la création d’emplois durables et correctement rémunérés. La pauvreté structurelle du tissu économique des collectivités d’Outre-mer génère et entretien la pauvreté permanente d’une frange considérable de leurs populations, dont les retraités.

Le système dans lequel nous vivons empêche l’émancipation économique, sociale et donc, politique. En admettant que nos parlementaires obtiennent des correctifs à la loi pour améliorer le quotidien des plus démunis, ce qui reste à voir, il reste que la solution réside dans une remise à plat de notre mode de vie et de notre modèle de société.