Le sujet sera en bonne place dans la pile de dossiers du futur ministre de la Santé. Fermetures de services la nuit et certains week-ends, « mur de la honte » à Brest, patients transférés vers d’autres établissements, décès suspects à Nantes… La situation des urgences des hôpitaux publics était toujours très dégradée cet été. Rendu public ce mardi matin, le rapport annuel du syndicat Samu-Urgences de France (SUdF) vient confirmer ce constat et l’étayer par des chiffres.
Chaque année, l’organisation dévoile son propre bilan des tensions aux urgences et dans les structures mobiles d’urgence et de réanimation (Smur) pendant l’été. L’an dernier, le système avait « donné l’illusion d’avoir tenu », mais « les conditions d’accueil et de soins sont profondément altérées ». La situation ne s’est pas vraiment améliorée — voire s’est dégradée — cette année, marqué par les Jeux olympiques puis paralympiques en région parisienne essentiellement.
Les médecins urgentistes de toute la France ont été incités à répondre par formulaire. 453 praticiens se sont pliés au jeu, représentant environ la moitié des services d’urgences du pays. Parmi les 331 établissements représentés dans l’enquête, 6 sur 10 déclarent avoir fermé au moins une ligne médicale (c’est-à-dire un guichet d’accueil, une unité d’hospitalisation de courte durée, etc.). Le plus souvent de façon « continue », sinon « fréquente » ou simplement « ponctuelle ». Cela fait 202 fermetures, contre 163 l’an dernier.
S’agissant des Smur (structures mobiles d’urgence et de réanimation), plus de la moitié ont fermé au moins une équipe ambulancière. 101 Smur n’ont qu’une seule ligne en temps normal et 10 % d’entre eux ont dû la fermer, « laissant le secteur sans aucune réponse pour répondre à l’urgence vitale de ces territoires », regrette le syndicat. « Un nombre important de structures d’urgences sont encore impactées par la fermeture de lignes Smur, avec pour corollaire un impact direct sur la capacité à prendre en charge sur tout point du territoire les urgences vitales », alerte encore Samu-Urgences de France.
Il ressort de ce constat que « la qualité d’accès aux soins continue de se dégrader, c’est de pire en pire », estime Jean-François Cibien, vice-président du syndicat. « L’enquête le montre à partir du ressenti de nos collègues et des données qui remontent. Citez-nous des services où tout s’est bien passé, à part la polyclinique des Jeux olympiques », tacle-t-il.
Mais les répondants ne sont-ils pas les plus à même de se plaindre ? Le vice-président du syndicat reconnaît une limite à un tel exercice, basé sur du déclaratif. « Pour que l’on supprime ce biais, jouons la transparence », exhorte le praticien, qui demande chaque année au ministère de la Santé de publier l’ensemble des indicateurs disponibles. « Les données que nous avons recueillies sont facilement contrôlables, ne serait-ce que par les nombreuses communications médiatiques faisant état des difficultés locales estivales », argue Samu-Urgences de France.
Ces résultats rejoignent ceux d’une autre enquête, menée cette fois par la Fédération hospitalière de France (FHF). Seuls 15 % des établissements de santé ont évoqué une amélioration de la situation des urgences cet été par rapport au précédent, d’après les résultats présentés à la conférence de presse de rentrée de l’organisation, mardi 3 septembre.
Pour faire face aux difficultés, à commencer par le manque de lits d’hospitalisation en aval et de personnel, les hôpitaux ont essentiellement eu recours aux heures supplémentaires (64 %) et à l’intérim (48 %). Les réponses à l’enquête de la FHF font état d’une « meilleure anticipation des situations critiques qui a permis de limiter les fermetures », selon Aurélien Sourdille, responsable adjoint du pôle offre de soins, finances, recherche et e-santé au sein de l’organisation.
Parmi les mesures qu’il préconise, le syndicat Samu-Urgences de France plaide notamment pour « mettre en place un ratio patients/soignés » et pour « généraliser progressivement la régulation médicale d’accès » aux structures d’urgences par les Samu et le service d’accès aux soins (SAS). Le gouvernement démissionnaire s’était fixé comme objectif que 100 % de la population soit couverte par un SAS, qui oriente les patients de la façon la plus adaptée : simple conseil médical, téléconsultation, rendez-vous en ville, service d’urgence, etc.
« L’hôpital est malade, il faut de toute urgence déclencher un vrai plan santé », exhorte Jean-François Cibien. Comme nous le disait l’an dernier Ferhat Meziani, chef du pôle urgences, Samu et médecine intensive et réanimation au CHU de Strasbourg (Bas-Rhin), « on parle de crise des urgences, mais c’est l’hôpital dans son ensemble qui est en crise ! ». Et « les urgences en sont la seule lumière allumée dans la nuit ».