Les ministères dépensiers sont engagés dans un jeu non-coopératif avec le ministère des finances pour maximiser leurs moyens. Ce comportement est profondément enraciné et difficile à changer, se traduisant par une faible solidarité interministérielle au regard des objectifs budgétaires, une inertie à l’endroit des initiatives transversales d’économies et une certaine confusion entre les plafonds du budget triennal, l’évolution tendancielle des dépenses et la négociation des mesures nouvelles. Pour favoriser une meilleure discipline collective, les lettres de cadrage envoyées aux ministères au printemps devraient être plus prescriptives et inclure des pré-plafonds par ministère. Les programmes budgétaires dont les crédits seraient fixés sans nécessiter l’arbitrage du Premier ministre pourraient bénéficier d’un taux de mise en réserve réduit.

Mettre en cohérence les différents objectifs pluriannuels de la politique budgétaire

Plusieurs documents et objectifs pluriannuels coexistent sans garantie de cohérence. Le programme de stabilité transmis à la Commission européenne et la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques (LPFP) n’ont pas la même périodicité et peuvent diverger si la trajectoire tracée par la LPFP n’est pas respectée. Ils ne sont pas contraignants dans l’élaboration des lois de finances annuelles et coexistent avec des lois de programmation sectorielles nombreuses qui représenteront 31 % des dépenses de l’État en 2027. Les recommandations visent à améliorer la portée des objectifs pluriannuels de finances publiques en actualisant le volet financier des lois de programmation sectorielles à chaque nouvelle LPFP, en renforçant l’analyse de la soutenabilité de la dette dans les documents budgétaires nationaux, en interdisant le recyclage des recettes supplémentaires pour de nouvelles dépenses en haut de cycle et en prévoyant une provision pour aléas dans la programmation pluriannuelle.

Donner la priorité à l’arbitrage des mesures nouvelles et des économies au sein d’une procédure budgétaire mieux séquencée

Les ministères considèrent leur cadrage pluriannuel comme un socle et planifient des dépenses supplémentaires, laissant de nombreux sujets à l’arbitrage du Premier ministre malgré l’existence de budgets triennaux, ce qui prolonge la procédure budgétaire. La préparation du budget devrait au contraire viser à obtenir un accord au début du processus sur l’évolution tendancielle des dépenses à politique inchangée. La phase d’arbitrage consisterait alors à expertiser les mesures nouvelles et les économies proposées dans le cadre des revues de dépenses, dans le respect des plafonds pluriannuels. Pour jouer pleinement son rôle dans ce processus, la direction du budget doit être confortée. Elle doit réduire le taux de rotation de ses cadres et continuer à s’ouvrir à d’autres profils, spécialistes des politiques publiques.

Poursuivre l’allègement des tâches budgétaires à faible valeur ajoutée

L’effort de consolidation budgétaire à mener sur les années 2023 à 2027 implique de recentrer la préparation et le suivi de l’exécution du budget de l’État sur leurs dimensions stratégiques, en allégeant les tâches à faible valeur ajoutée. Des mesures de simplification ont été mises en œuvre ou expérimentées, au cours des dernières années, en matière de contrôle et de suivi de la dépense une fois la loi de finances adoptée. La Cour recommande d’aller dans deux directions : la suppression de certaines annexes du projet de loi de finances peu utilisées par les parlementaires et la généralisation du document de programmation unique pour accélérer la mise à disposition des crédits en début d’exercice.

« L’impératif de réduction du déficit public sous 3 % en 2027 doit conduire dès maintenant l’État à réorienter sensiblement la procédure budgétaire de façon à assurer une maîtrise durable des dépenses », souligne Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes.