Passeport mobilité études : une prise en charge à 100% pour tous les étudiants éligibles

Ce jeudi 14 mars, LADOM (l’agence de l’Outre-Mer pour la mobilité) a annoncé que la prise en charge à 100% du Passeport pour la mobilité des études (PME) était étendue à l’ensemble des étudiants éligibles. C’est une bonne nouvelle pour les étudiants non boursiers qui a été annoncée ce matin. L’aide au voyage pour les études supérieures sera désormais prise en charge à 100% pour les étudiants ultramarins éligibles. Cela concerne un trajet aller-retour par an en classe économique pour se rendre sur leur lieu d’études.
Dorénavant, la bourse ne sera plus un critère pour évaluer le niveau de prise en charge de LADOM. Tous les étudiants post-bac poursuivant leurs études supérieures en mobilité, en raison de la saturation ou de l’inexistence des études visées, pourront bénéficier d’un coup de pouce de LADOM.
Une aide tout de même accordée sous conditions de ressources. Avant l’évolution de cette mesure, seuls 50% du prix du billet était pris en charge pour ces étudiants. Enfin, à compter de la rentrée universitaire 2024/2025, l’âge maximum pour bénéficier du dispositif PME passera à 28 ans au lieu de 26 ans. En 2023, + de 10 000 étudiants originaires des DROM-COM ont eu accès à ce dispositif. Pour en bénéficier, les étudiants doivent se connecter sur ladom.fr.

PORTRAIT. La martiniquaise Rosine Coq-Germanicus enseigne la nanoscience à l’université de Caen… un exemple de réussite

Depuis 20 ans, Rosine Coq-Germanicus est maître de conférences dans l’hexagone, à l’université de Caen, en Normandie. En 1993 après son Bac, cette martiniquaise passionnée de sciences a fait du chemin, avec un objectif en ligne de mire : « Donner l’exemple et susciter la persévérance pour les études et la confiance en la possibilité de réussir et de s’épanouir ».

Recherche d’excellence :  les Antilles-Guyane en pole position ?

Espaces d’expérimentation remarquables, laboratoires à ciel ouvert, les Antilles-Guyane ont, depuis longtemps, fait preuve d’audace en matière de recherche. Un positionnement que les défis environnementaux actuels ne font que renforcer, plaçant l’excellence au cœur de nos territoires. 

Texte Sarah Balay – Photo Jean-Albert Coopmann

La recherche se construit sur les territoires en lien avec les besoins des territoires et pas seulement de manière descendante en lien avec les enjeux nationaux.
Jean-Raphaël Gros-Désormeaux, chercheur, représentant du CNRS, directeur de l’UMR PHEEAC (ex LC2S) et membre du comité de direction et du conseil scientifique du CEBA

Pascal Saffache directeur du laboratoire AIHP-GEODE Caraïbe de l’université des Antilles et Colette Medouze (UR6-1AIHP-Geode)

La recherche aux Antilles-Guyane

Fin octobre 2023, le monde de la recherche antillaise est en ébullition. Il faut dire que l’événement est historique. Pour la première fois, l’université des Antilles (UA) entre dans le palmarès du prestigieux classement international de Shanghai. Distinguée dans le domaine de l’écologie, l’UA figure désormais parmi les 84 établissements de l’enseignement supérieur français reconnus pour leur dynamisme et leur niveau d’excellence. Une belle reconnaissance qui salue « un pas majeur franchi par les chercheurs de l’UA et par la nouvelle gouvernance », selon le Pr. Pascal Saffache, directeur du laboratoire AIHP-GEODE Caraïbe de l’université des Antilles. Bien que les Antilles aient toujours occupé une place particulière en tant qu’espaces d’expérimentations d’un point de vue institutionnel et scientifique, une nouvelle impulsion semble bien se dessiner. « Plusieurs facteurs entrent en jeu », poursuit le Pr. Pascal Saffache. « Les chercheurs sont recrutés sur la base exclusive de leurs travaux (les commissions de recrutement sont d’ailleurs de plus en plus exigeantes), les moyens financiers ont progressé – même si nous aimerions disposer d’encore plus de moyens – et les collaborations avec des institutions étrangères sont aujourd’hui plébiscitées ».  

Pour autant, l’écosystème de la recherche Antilles-Guyane ne ressemble pas à celui de l’Hexagone qui compte plus d’une centaine de laboratoires d’excellence dits “labEx”. Constitués d’équipes appartenant à des unités de recherche à l’excellence reconnue, ils sont le plus souvent mixtes entre universités et organismes de recherche nationaux. À ce jour, nos territoires en comptent deux : le CEBA et le DRIIHM. Ils complètent, sur place, les représentations d’organismes de recherche français, les UMR (unité mixte de recherche qui prévoit un contrat de 5 ans avec au moins deux tutelles, universités et organismes de recherche, qui fournit moyens et personnels) et les unités de recherche (UR) rattachées à l’université. 

Écosystème propice au labEx ?

Sous nos latitudes, les sujets de recherche sont multiples : l’environnement sous l’angle de la biodiversité et du changement climatique ; la gestion des risques naturels majeurs ; la santé en milieu tropical et le post-esclavage.« La logique de territorialisation prédomine aujourd’hui », complète Jean-Raphaël Gros-Désormeaux, chercheur, représentant du CNRS, directeur de l’UMR PHEEAC (ex LC2S) et membre du comité de direction et du conseil scientifique du CEBA. « La recherche se construit sur les territoires en lien avec les besoins des territoires et pas seulement de manière descendante en lien avec les enjeux nationaux ». 

Il faut toutefois différencier la Guyane et les Antilles. « La Guyane est un spot unique en matière de recherche et de biodiversité », poursuit Jean-Raphaël Gros-Désormeaux. « C’est là-bas que se trouve la plus forte implantation et visibilité du CNRS, véritable locomotive, sans compter tous les autres grands organismes de recherche. Cette structuration et cet écosystème sont propices à la mise en place d’un labEx. A contrario, la Guadeloupe et la Martinique sont deux territoires avec des dynamiques pas toujours convergentes et des collectivités qui ont leur propre logique. Une configuration, pilotée et animée par l’université sur deux territoires, est plus contraignante dans le cadre d’un labEx. Mais cela ne veut pas dire que l’excellence n’est pas présente, bien au contraire ».

Jean-Raphaël Gros-Désormeaux, chercheur, représentant du CNRS, directeur de l’UMR PHEEAC (ex LC2S)

Recherche : vers un site pilote et d’excellence aux Antilles 

L’appellation labEx pourrait toutefois bientôt disparaître puisque le dispositif s’achève d’ici à 2025. Il faut désormais parler de PEPR, programmes et équipements de recherche. Un nouveau programme et un nouvel acronyme avec le même objectif : construire et/ou consolider le leadership français. Une opportunité dont la recherche antillaise aimerait se saisir. En effet, le contexte actuel de dérèglement climatique, au-delà de son aspect tragique, est un élément moteur pour nos territoires micro-insulaires. « Tous les phénomènes physiques qui s’y passent se déroulent sur des surfaces restreintes, donc dans des temporalités très réduites », avance le Pr. Pascal Saffache. « Nous pouvons donc observer des processus d’érosion et de dégradation sur quelques semaines, contre plusieurs années sur de plus vastes territoires. Nous pouvons ainsi servir de modèle en testant des solutions potentielles. L’objectif est de faire de cette contrainte une opportunité majeure, pour obtenir des financements et établir des collaborations internationales ».

Une ambition partagée par Jean-Raphaël Gros-Désormeaux qui mise sur un PEPR aux Antilles d’ici à 2026. « La dernière feuille de route Outre-Mer du CNRS évoque la mise en place d’une pépinière interdisciplinaire (co-dirigée par l’UA et le CNRS) pour tendre vers un site pilote et d’excellence. Nous avons le personnel et les compétences, il nous manque un consensus sur l’animation et les sujets à prioriser. L’un des grands enjeux sur lequel nous sommes attendus, c’est le continuum terre-mer, avec implications socio-économiques et culturelles, qui couvre toutes les problématiques actuelles : risques climatiques (forte pluviométrie, glissement de terrain), sargasses, pollution, conservations de la nature, agricultures (changements de pratique) ». Une démarche qui pourrait intéresser l’ensemble des îles volcaniques des petites Antilles. À suivre.

DéfinitionUn LabEx, c’est quoi ?LabEx est un mot-valise fabriqué à partir de la contraction de « laboratoire d’excellence ».  Les premiers « super labos » français apparaissent suite à l’appel à projets lancés en 2010 dans le cadre du programme d’investissement d’avenir (PIA). Doté d’une enveloppe globale de 35 milliards d’euros (12 milliards supplémentaires en 2014), ce dispositif entend favoriser l’innovation et la compétitivité française dans des domaines spécifiques.  

La recherche française face à chatGPT

Dans l’effervescence des intelligences artificielles basées sur des modèles de langue, la France et l’Europe paraissent aujourd’hui peu présentes. Pourtant, les communautés de recherche françaises possèdent une expertise forte de ce sujet et ont contribué à une technologie libre et ouverte comparable à GPT-3 : le modèle Bloom.
ChatGPT, Bard, Midjourney, Ernie, Stable Diffusion… Depuis quelques mois, les intelligences artificielles (IA) génératives de texte ou d’image se multiplient, bousculant de nombreux métiers créatifs ou techniques. Leur adoption suscite de multiples questions, sur son impact sur les emplois, la manière dont elles ont été entraînées, leur propension à « halluciner » en inventant de fausses « informations »… C’est pour répondre à quelques-unes de ces questions et penser le futur que le CNRS, sollicité par plusieurs entreprises françaises, a organisé un déjeuner dédié à la question. Depuis fin 2022, le club CNRS Entreprises du CNRS (voir encadré) aide en effet les dirigeants et dirigeantes à saisir les nouveaux enjeux scientifiques et les changements que la science pourrait apporter au monde socio-économique. En accès restreint, ce format de permet aux entreprises invitées de partager leur compréhension des tendances et d’échanger en même temps avec un chercheur ou une chercheuse spécialiste du domaine. Celui-ci, organisé dès la mise à disposition de chatGPT par l’entreprise OpenAI, a rassemblé 15 représentants d’industriels comme Servier, EDF, Alstom, Google  ou Thalès, pour échanger sur leurs pratiques et leurs réflexions autour de l’utilisation de l’IA. Confidentialité des données et droits applicables, automatisation et optimisation des processus, gestion de larges masses de données, explications des décisions prises par l’IA (« explicabilité »), réticence des utilisateurs finaux ou encore applications variées furent au coeur des débats, suite à une présentation par Christophe Cerisara, chercheur CNRS au Laboratoire lorrain de recherche en informatique et ses applications (Loria).
Le premier décryptage scientifique proposé par le Club CNRS Entreprises a abordé le thème « Une solution pour la sobriété numérique de l’entreprise : du data center à la capsule d’ADN ». © CNRS – Jacques FHIMALe CNRS a lancé fin 2022 un club de dirigeants et dirigeantes, qui vise à permettre à toutes les parties prenantes d’échanger, de manière informelle et bienveillante, autour des défis auxquels fait face notre société et des solutions que peuvent proposer les scientifiques et le CNRS. Ce Club CNRS Entreprises est conçu comme une communauté d’individus invités par le CNRS parce qu’ils s’intéressent à l’innovation et à la science, et occupent un poste stratégique dans une entreprise (start-up, PME, grands groupes, etc.) ou une organisation (fédérations, médias, institutions, sociétés d’innovation, etc.). Il propose différentes rencontres pour donner à ces dirigeants et dirigeantes un accès privilégié à la science et à la recherche « en train de se faire », et les aider à comprendre ces sujets complexes : des visites de laboratoires ou d’infrastructures (côté CNRS ou entreprises), des petits déjeuners une fois par mois pour décrypter un sujet de recherche et en montrer les enjeux et les impacts sur le monde socio-économique, ou encore des déjeuners de travail sur des sujets qui peuvent faire débat. Un agenda résume notamment les rendez-vous à venir, adaptés aux souhaits de la communauté. Pour faire partie de la communauté, contactez Sabrina Biarrotte-Sorin, directrice du Club Entreprises : [email protected] En savoir plus

Une expertise reconnue Expert en traitement automatique du langage naturel et en deep learning, celui-ci a notamment insisté sur le fait que « la vraie révolution derrière chatGPT est scientifique : c’est l’accumulation des connaissances du monde au sein des modèles » – des modèles encore mal compris et qui nécessitent une recherche fondamentale importante. « J’ai participé à ce déjeuner pour en apprendre plus sur la recherche fondamentale derrière l’IA générative, connaître ses limites et perspectives. », explique Olivier Senot, directeur de l’innovation du groupe Docaposte, branche numérique du groupe La Poste qui propose une gamme d’offres pour gérer les échanges professionnels de documents. « Je me devais d’être présent pour apporter la vision d’un groupe industriel qui a son propre prisme de regard sur cette technologie promettant de révolutionner les processus et les métiers. », ajoute-t-il, notant une « accélération de l’innovation entre les annonces et les applications ». Celle-ci pose des questions sur l’impact sur la société et les industriels : « Nous sommes aujourd’hui plus dans la réaction que l’anticipation dont nous avons l’habitude. Mais nous sommes structurés pour répondre rapidement et pensons concrétiser nos premières offres pour nos clients cet été, en plus d’utiliser l’IA pour améliorer notre efficacité opérationnelle interne. », détaille Olivier Senot. Chez Berger-Levrault aussi, l’adaptation a été rapide. Depuis plusieurs années, cet industriel du logiciel a des liens forts avec la recherche et notamment deux partenariats stratégiques Inria et le CNRS. Éditeur de solutions numériques, il produit et maintient aussi des bases documentaires juridiques à destination des administrations publiques, Legibase. Il a intégré un moteur de réponses, une IA nourrie de connaissances réglementaires fortes, pour aider leurs clients à rechercher les informations les plus pertinentes sur ces produits documentaires en ligne, et réfléchit également à plusieurs autres usages des IA génératives. « Notre entreprise a une culture historique de la gestion des textes et fonds documentaires : il est évident que l’arrivée des IA génératives de texte nous intéresse pour les besoins de nos clients, dont les missions sont importantes pour la société. », résume Valérie Reiner, directrice des Affaires Publiques chez Berger-Levrault. Le plus gros modèle de langue multilingue et open source Pour cela, l’équipe menée par Mustapha Derras, directeur Recherche & Innovation, a testé plusieurs modèles de langue. Si l’ex-chercheur juge GPT « en avance sur ses concurrents », il déplore « l’absence d’équivalents européens », en particulier basés sur le modèle Bloom. « Les scientifiques français disposent de très nombreuses solutions. », rappelle-t-il. « Bloom est un bijou sous-exploité. », concède François Yvon, directeur de recherche CNRS au Laboratoire interdisciplinaire des sciences du numérique1
. L’expert en traitement automatique des langues naturelles dans un contexte multilingue s’est engagé dès le départ dans le projet BigScience, initié par l’entreprise Hugging Face, fondée par trois Français à New York, et impliquant plusieurs centaines de scientifiques en intelligence artificielle issus de 72 pays et des sociétés comme Airbus, Meta AI, Mozilla, Orange Labs ou Naver Labs. En 2022, cette collaboration a donné naissance à Bloom (pour « BigScience Large Open-science Open-access Multilingual Language Model »), un modèle de langue multilingue et open source qui intègre des textes en 46 langues. L’objectif : comprendre comment entraîner, spécialiser, évaluer un modèle, en détecter les biais. « Il suffirait qu’une entreprise s’en empare » « Bloom présente des performances comparables aux autres modèles disponibles au moment de sa publication, mais il a été entraîné sur un corpus multilingue plus divers que la référence GPT-32
. », détaille le chercheur qui a contribué à l’évaluation des capacités multilingues du modèle, tout en participant au comité de suivi français mis en place à la demande du CNRS – dont le supercalculateur Jean Zay a entraîné le modèle – et du Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Mais « il s’agissait d’un projet de recherche, aujourd’hui terminé, qui n’avait pas vocation à être exploité commercialement et n’a pas été conçu pour être directement utilisable par le grand public ». Un obstacle qui ne nécessiterait qu’un peu de développement informatique : « il suffirait qu’une entreprise s’en empare », le modèle étant disponible sous un nouveau type de licence (voir encadré) qui le permettrait.
Le modèle Bloom est disponible sur la plateforme de l’entreprise partenaire Hugging Face, avec d’autres modèles similaires ou dérivés. Il peut être téléchargé sous une licence RAIL, pour « Responsible AI License », proposée pour la première fois lors du projet BigScience. Cette licence permet aux développeurs d’empêcher que les logiciels qu’ils développent ne soient utilisés dans des applications nuisibles. Proche des licences open source existantes, elle pose certaines conditions d’utilisation pour un logiciel ou un code source, comme l’interdiction d’une utilisation pour générer de fausses nouvelles ou généralement des textes sans préciser qu’une machine en est à l’origine, pour diffuser des informations privées ou des conseils médicaux.

Sur le site de Hugging Face, Bloom est d’ailleurs téléchargé entre 40 000 et 50 000 fois par mois pour des démonstrations, des projets d’enseignements ou de recherche, « sans doute aussi par des entreprises voulant tester des idées ». Il est particulièrement performant pour effectuer des traductions, grâce à son riche corpus multilingue. Il a surtout l’avantage d’être « exemplaire » en matière de transparence, les bases de données utilisées pour l’entraînement étant connues et interrogeables, et les algorithmes « visibles et documentés ». Il peut ainsi tenir lieu d’alternative à chatGPT – une alternative ouverte, libre et évitant l’exploitation abusive de données personnelles – et pourrait être spécialisé pour des activités particulières ou sur des corpus propriétaires d’entreprises ou d’organisations.
Discussion autour de différents exemples de traitement automatique des langues, au Laboratoire interdisciplinaire des sciences du numérique (LISN). © Christian MOREL / LISN / CNRS Photothèque« Le modèle Bloom est la seule initiative européenne comparable aux développements conduits aux États-Unis et ailleurs. Par son soutien à ce projet complexe sans bénéfice immédiat, le CNRS a permis de mettre en évidence la recherche française dans la communauté internationale de l’intelligence artificielle générative. », tient à préciser François Yvon. L’Agence nationale de la recherche et la Commission européenne ont depuis lancé des appels à projets, notamment pour s’interroger sur l’évaluation des modèles, la détection de leurs biais et l’explicabilité de l’IA, et pour développer des modèles de langue plus efficaces et moins énergivores. La question de la confiance Reste une question clé, également abordée au déjeuner innovation : peut-on faire confiance aux réponses fournies par l’IA ? En effet, les algorithmes utilisés fonctionnent souvent comme des boîtes noires et les IA génératives peuvent fournir des réponses trop moyennées, erronées ou biaisées par des préjugés présents dans les données utilisées pour les entraîner. En France comme en Italie ou au Canada, plusieurs plaintes ont été déposées, en particulier contre la société OpenAI et son robot conversationnel chatGPT, et des enquêtes sont ouvertes par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) et ses équivalents dans les pays concernés. Une tendance qui inquiète aussi bien Mustapha Derras qu’Olivier Senot, préoccupés par le « retard possible pris par rapport à d’autres pays plus permissifs sur les questions de souveraineté, de stockage de données ou de droits d’auteur ». La stratégie européenne “Artificial Intelligence Act” présentée en avril 2021, qui vise à faire de l’Union européenne une plaque tournante de classe mondiale pour l’IA, veut aussi veiller à ce que l’IA soit « centrée sur l’humain et digne de confiance ». Les modalités de cet objectif vont être revues par le Parlement européen suite à l’arrivée des IA génératives grand public. Plusieurs chercheurs et chercheuses du CNRS travaillent aussi sur ce sujet. L’explicabilité de l’IA fait ainsi partie des domaines de recherche prioritaires du centre AISSAI. Au sein du programme sur la certification de l’IA du Centre ANITI1
 de Toulouse – un des quatre instituts interdisciplinaires d’intelligence artificielle (3IA) mis en place dans le cadre du Programme d’investissements d’avenir du gouvernement – ont par exemple été développés des outils pour évaluer la manière dont une IA prend une décision et certifier l’absence (ou prévenir de la présence) de biais. CNRS Formation Entreprises, l’organisme de formation continue du CNRS, propose d’ailleurs des formations aux entreprises et scientifiques sur ces outils.
Si l’IA générative est au cœur des débats aujourd’hui, le CNRS est aussi pleinement investi dans le développement d’autres types d’intelligences artificielles qui apportent des nouveautés dans de nombreux domaines scientifiques et industriels. En particulier, il soutient ou est impliqué dans près de 100 start-up utilisant l’intelligence artificielle dans la santé, l’éducation, le divertissement, l’analyse d’images satellites (comme Preligens) ou encore l’optimisation agricole. Par exemple, DAMAE Medical développe ainsi un système d’imagerie de pointe, le dispositif médical deepLive™, pour la détection précoce des cancers de la peau et le diagnostic de multiples affections cutanées. Issue du Laboratoire Charles Fabry (CNRS/IOGS), avec l’aide d’une bourse européenne EIC Accelerator, elle a valu à sa présidente Anaïs Barut une nomination parmi les Forbes 30 Under 30 en 2021. De son côté, la start-up Aquemia1
 fait la synthèse entre physique quantique et IA pour accélérer la conception de molécules thérapeutiques, et multiplie les récompenses et levées de fonds. Kurage utilise l’IA pour aider des personnes handicapées à se mouvoir via des équipements de fitness adaptés et à des vêtements intelligents. Elle a bénéficié du programme RISE du CNRS, tout comme HawAI.tech2
 qui conçoit des accélérateurs matériels pour fournir une IA explicable, à faible coût énergétique, capable d’effectuer un calcul efficace localement près d’un capteur – une start-up classée parmi les 100 où investir en 2023 d’après le magazine Challenges. Autre exemple : lauréate des Prix de l’innovation au CES 2022 – salon considéré comme l’un des plus importants événements de l’industrie technologique – GrAI Matter Labs, issue de l’Institut de la vision3
, s’inspire du cerveau pour une IA en temps réel. À titre d’illustration, l’intelligence artificielle a aussi récemment permis d’avancer dans la compréhension de l’odorat.