Giec, un modèle à bout de souffle ?

Le sixième rapport d’évaluation du Giec, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, vient d’être publié. Un évènement phare qui, au-delà du symbole, pose questions. Les rapports du Giec sont-ils trop larges et dépolitisés ? Si la nécessité d’un consensus scientifique est saluée, certains experts appellent à repenser les rapports du Giec avec un temps moins long et des sujets plus controversés. Et la critique émane même des rangs des auteurs du Giec.

Climat : cinq questions pour tout comprendre au nouveau rapport du Giec

Du 13 au 17 mars, les scientifiques du Giec, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, sont réunis en Suisse afin d’adopter la synthèse de leur 6e rapport d’évaluation, et ainsi clore ce cycle débuté en 2015. Cette synthèse sera ensuite publiée le 20 mars et constituera le dernier consensus scientifique sur le climat à date.

L’ONU a conclu un accord « historique » pour protéger la haute mer

« Le navire a atteint le rivage », a annoncé la présidente de la conférence Rena Lee, au siège de l’ONU à New York samedi peu avant 21 h 30 (3 h 30 à Paris), sous les applaudissements nourris et prolongés des délégués. Après plus de quinze ans de discussions, dont quatre années de négociations formelles, la troisième « dernière » session à New York a finalement été la bonne, ou presque.Les délégués ont finalisé le texte au contenu désormais gelé sur le fond, mais il sera formellement adopté à une date ultérieure après avoir été passé au crible par les services juridiques et traduit pour être disponible dans les six langues officielles de l’ONU. Le contenu exact du texte n’a pas été publié dans l’immédiat mais les militants l’ont salué comme étant un tournant décisif pour la protection de la biodiversité.Après 15 ans de négociations, nous avons conclu aux Nations Unies un traité qui protège la haute mer. C’est un accord historique pour la protection des océans, la préservation de la biodiversité marine et une avancée décisive dans la course contre la montre climatique. pic.twitter.com/TXJbrwaksx— Hervé Berville (@HerveBerville) March 5, 2023 Une « victoire pour le multilatéralisme »« C’est un jour historique pour la conservation et le signe que dans un monde divisé la protection de la nature et des personnes peut triompher sur la géopolitique », a déclaré Laura Meller, de Greenpeace. Après deux semaines d’intenses discussions, dont une session marathon dans la nuit de vendredi à samedi, les délégués ont finalisé un texte qui ne peut désormais plus être modifié de manière significative.« Il n’y aura pas de réouverture ni de discussions de fond » sur ce dossier, a affirmé Rena Lee aux négociateurs. Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a félicité les délégués, selon un de ses porte-parole qui a déclaré que cet accord est une « victoire pour le multilatéralisme et pour les efforts mondiaux visant à contrer les tendances destructrices qui menacent la santé des océans, aujourd’hui et pour les générations à venir ».La haute mer commence où s’arrêtent les zones économiques exclusives (ZEE) des États, à au maximum 200 milles nautiques (370 kilomètres) des côtes et n’est donc sous la juridiction d’aucun État.Des aires marines protégées vont voir le jourMême si elle représente plus de 60 % des océans et près de la moitié de la planète, elle a longtemps été ignorée dans le combat environnemental, au profit des zones côtières et de quelques espèces emblématiques.Avec les progrès de la science, la preuve a été faite de l’importance de protéger tout entier ces océans foisonnant d’une biodiversité souvent microscopique, qui fournit aussi la moitié de l’oxygène que nous respirons et limite le réchauffement climatique en absorbant une partie importante du CO2 émis par les activités humaines.Mais les océans s’affaiblissent, victimes de ces émissions (réchauffement, acidification de l’eau…), des pollutions en tout genre et de la surpêche. Alors le nouveau traité, quand il entrera en vigueur après avoir été formellement adopté, signé puis ratifié par suffisamment de pays, permettra de créer des aires marines protégées dans ces eaux internationales.Nous n’avons rien lâché pour y arriver : l’engagement qui a été pris cette nuit à New York est historique ! Les États membres de l’ONU disent oui à un traité international pour protéger la haute mer. C’est plus de la moitié de la surface de la planète que nous allons sauvegarder.— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) March 5, 2023 Limiter les effets du réchauffement climatiqueEnviron 1 % seulement de la haute mer fait l’objet de mesures de conservation, et cet outil emblématique est jugé indispensable pour espérer protéger, d’ici à 2030, 30 % des terres et des océans de la planète, comme s’y est engagé l’ensemble des gouvernements de la planète en décembre.« Les zones de haute mer protégées peuvent jouer un rôle essentiel pour renforcer la résilience face aux effets du changement climatique », a déclaré Liz Karan, de l’ONG Pew Charitable Trusts qui a qualifié cet accord de « réalisation capitale ».Le traité sur « la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale » introduit également l’obligation de réaliser des études d’impact sur l’environnement des activités envisagées en haute mer.Une question d’équité Nord-SudEnfin, chapitre hautement sensible qui a cristallisé les tensions jusqu’à la dernière minute, le principe du partage des bénéfices des ressources marines génétiques collectées en haute mer.Les pays en développement qui n’ont pas les moyens de financer de très coûteuses expéditions et des recherches se sont battus pour ne pas être exclus de l’accès aux ressources marines génétiques et du partage des bénéfices anticipés de la commercialisation de ces ressources – qui n’appartiennent à personne – dont les entreprises pharmaceutiques ou cosmétiques espèrent tirer des molécules miracles.Comme dans d’autres forums internationaux, notamment les négociations climat, le débat a fini par se résumer à une question d’équité Nord-Sud, ont commenté des observateurs.Près de 20 milliards d’euros sur la tableAvec une annonce vue comme un geste pour renforcer la confiance Nord-Sud, l’Union européenne a promis, à New York, 40 millions d’euros pour faciliter la ratification du traité et sa mise en œuvre initiale. Au-delà, elle s’est engagée à consacrer plus de 800 millions d’euros à la protection des océans en général pour 2023 lors de la conférence « Notre océan » qui s’est achevée vendredi à Panama.Au total, la ministre panaméenne des Affaires étrangères, Janaina Tewaney, a annoncé que « 341 nouveaux engagements », d’un montant de près de 20 milliards de dollars – dont près de 6 milliards des États-Unis –, avaient été pris lors de cette conférence pour protéger les mers.Avec AFP

Les terres agricoles françaises sont accaparées par des investisseurs, mettant en péril la transition écologique

En plein Salon de l’agriculture, plusieurs associations appellent le gouvernement à mettre en place des garde-fous pour limiter l’accaparement des terres qui favorise la spéculation et la financiarisation des exploitations. Ce phénomène, peu connu, prend de l’ampleur alors qu’un quart des agriculteurs va partir à la retraite dans la décennie. Il conduit à des exploitations géantes, qui emploient peu de main-d’œuvre et qui sont accros aux pesticides et aux machines, entravant la transition écologique du secteur.

Changement climatique

J’ai assisté ce mercredi à une conférence sur le changement climatique, organisée par le Lions club de Fort-de -France et présenté par Pascal SAFFACHE. L’occasion pour lui de rappeler au public nombreux, les origines de ce dérèglement et de détailler les impacts de l’augmentation du niveau de la mer sur les îles de la Caraibe.
Ces prévisions alarmantes exigent des politiques publiques ambitieuses en matière d’aménagement résilient.
Si le traitement des symptômes du dérèglement climatique est un réel sujet, le défi de génération consiste à lutter contre les causes de ce dérèglement climatique :
La déforestation massive combinée à la production de CO2 !
Si la nécessité de la transition énergétique au service du climat ne fait pas débat, les modalités de sa mise en œuvre interpellent la très sérieuse Agence Internationale de l’Energie (AIE ).
En effet, les nouvelles technologies énergétiques nécessitent l’extraction de matériaux naturels plus spécifiques et moins abondamment disponibles que les matières fossiles traditionnelles.
Du fait de leur relative rareté et de leur caractère incontournable à court et moyen terme, on les qualifie de « critiques »
C’est notamment le cas du Lithium, du cobalt, du Nickel…. nécessaires aux batteries des voitures électriques. C’est aussi le cas des terres rares pour les aimants utiles aux éoliennes.
Le rapport « The role of critical minerals in clean energy transition » n’escamote aucun des aspects de la transition énergétique.
Les impacts environnementaux liés à ces nouveaux besoins minéraux sont aujourd’hui une vraie source d’inquiétude .
Pour exemple, dans l’hypothèse de l’atteinte des accords de Paris à l’horizon 2050, le besoin en Lithium sera multiplié par 40.
Près d’une trentaine de minerais sont aujourd’hui exposés à cette intensité d’extraction.
Cela paraît matériellement difficile à réussir, mais cela serait surtout un désastre écologique au regard des impacts liés à leur extraction.
L’évolution des connaissances et les sauts technologiques qui en résultent pourront peut-être permettre d’exclure ce scénario catastrophe !
Sinon le combat pour la préservation du climat exposera la planète à un péril écologique résultant de « l’insoutenabilité » des nouveaux besoins d’extraction minérale.
Pour l’heure, il faut militer pour un mix énergétique soutenable afin de prendre les avantages de chacune des technologies en tempérant leurs inconvénients.
Daniel CHOMET Articles similaires

Pénurie d’électricité : que risque la France dans la durée ? Terra Nova

Pour assurer l’indispensable et urgente transition énergétique, il est nécessaire de substituer des énergies renouvelables et bas carbone aux énergies fossiles, que ce soit dans les usages directs (la mobilité routière, le chauffage) ou indirects (la production électrique, l’industrie). Les travaux de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) imaginent que l’électricité représentera 50% de l’énergie consommée dans le monde en 2050, et ceux de RTE 54%, contre 25% en France à ce jour. Ce doublement de la part de l’électricité est indispensable à la transition écologique, mais ne suppose pas uniquement la pénétration de nouveaux usages : elle appelle, outre la maitrise des consommations et la sobriété, une augmentation suffisante de la production, non seulement en 2050, mais à chaque étape de la transition, alors même que l’essentiel sinon la totalité des centrales nucléaires actuellement en service ne le sera plus à cet horizon et qu’il faudra donc également substituer de nouvelles capacités renouvelables et bas carbone aux capacités existantes.Le choc inflationniste sur le marché de l’électricité initié fin 2021 a des sources désormais connues : la France est confrontée à un déficit de production important d’énergie du fait de l’indisponibilité d’une part importante de ses centrales nucléaires comme de l’achat à prix d’or de gaz liquéfié en substitution du gaz russe, qui fait flamber les prix. La période actuelle donne donc une intuition de ce que signifierait un échec du déploiement de la production – retour de moyens de production carbonés pour assurer la livraison d’énergie, hausse des prix, désindustrialisation et délestages rendus plus spectaculaires encore par l’importance supplémentaire donnée aux usages électriques.Or, la situation actuelle d’insuffisance de l’offre pourrait ne pas être conjoncturelle. Au fur et à mesure de l’électrification des usages, de la mobilité, de l’industrie, du chauffage, le besoin va devenir prégnant d’augmenter la production suffisamment vite pour faire face à la hausse de la demande, de répondre à l’ampleur croissante des désajustements possibles entre offre et demande, comme au besoin d’assurer la continuité de service malgré ces aléas croissants, dans une société toujours plus vulnérable à un manque ou à un coût excessif de l’électricité.A court terme, la France risque fort de manquer ses objectifs de construction de nouvelles capacités électriques fixés par la Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE). L’éolien terrestre et le photovoltaïque notamment, doivent progresser 3 et 6 GW en 2023 pour atteindre leurs objectifs, des croissances annuelles de 50% pour l’éolien et supérieure à 200% pour le solaire par rapport à 2022, qui paraissent inatteignables. La mise en service du nouveau réacteur EPR de Flamanville, initialement prévue pour 2012, subit par ailleurs un nouveau report, avec une mise en service au mieux mi-2024. Cela justifie d’envisager des retards de mise en service et de quantifier les capacités de production d’électricité qui pourraient manquer à l’avenir. Ces retards questionneraient la sécurité énergétique française puisque de nombreux scénarios de transition énergétique reposent sur ces nouvelles constructions et sur une demande croissante d’électricité, sur laquelle pèse également des incertitudes.Une modélisation rustique, assise sur des données publiques ou des études réalisées par des cabinets de conseils reconnus, permet de disposer d’un premier ordre de grandeur des déséquilibres possibles entre l’offre et la demande d’électricité, d’ici à 2050. Elle s’appuie sur le scénario de référence N2 de RTE, mêlant de manière équilibrée les énergies renouvelables et le nouveau nucléaire (il s’agit ainsi du scénario de RTE nécessitant le moins de constructions nouvelles).Un manque d’offre peut conduire aux déficits de capacité de production suivants :D’ici 2035, des capacités renouvelables pourraient manquer de façon transitoire (solaire, éolien terrestre à l’horizon 2030–2035), exacerbant des déséquilibres offre/demande sur la plaque électrique française si parallèlement le nucléaire existant garde une disponibilité plus faible que par le passé, du fait du vieillissement du parc dont une fraction significative a été construite dans les années 1970 et aura donc près de soixante ans à cet horizon comme des arrêts pour maintenance fréquents sur les modèles plus récents ;Une part des 25 GW de nouvelles interconnexions prévues par RTE pourrait être indisponible ou intermittente, du fait de la fermeture de centrales thermiques chez nos voisins européens (- 80 GW dès 2035 d’après France Stratégie) ;10 à 20 GW de capacité de production pourraient manquer à l’horizon 2050, si les rythmes de mises en service n’accélèrent pas très significativement. Il s’agit principalement de capacités pilotables (nouveau nucléaire), mais aussi renouvelables (éolien offshore).20 GW de capacité de flexibilité* prévues par RTE en 2050 pourraient ne pas être adaptés pour traiter la variabilité des EnR au-delà d’enjeux d’équilibrages réseau de très court terme. C’est le cas de l’effacement industriel (prépondérant dans les 20 GW) : si l’activité productive connait des baisses prolongées et répétées, la fabrication des biens non produits pourrait être délocalisée (risque de dégrader le tissu productif de façon irréversible par délocalisation). Ou bien ces flexibilités pourraient simplement ne pas être disponibles car insuffisamment éprouvées à grande échelle.Deux facteurs pourraient en outre aggraver les déséquilibres introduits par une indisponibilité de l’offre :10 GW supplémentaires seraient nécessaires aux heures de pointes en hiver en cas de rénovation moins performante des logements dès 2035 (rapport RTE-Ademe 2020), puis à l’horizon 2050 (analyse des données du scénario Perspectives Gaz 2022)Un besoin croissant pouvant atteindre de l’ordre de 10 à 20 GW supplémentaires en 2040 serait nécessaire aux heures de pointes en hiver en cas d’interdiction de renouvellement des chaudières au gaz.Même si ces déséquilibres offre/demande ne sont pas tous aussi pénalisants, puisque l’indisponibilité d’une interconnexion est sans doute moins pénalisante que l’indisponibilité d’une capacité pilotable à capacité équivalente, il n’est pas à exclure que les situations défavorables se cumulent.Au total, les écarts offre-demande pourraient, s’ils se conjuguent, atteindre 30 à 50 GW lors des pointes hivernales en 2050, un scénario catastrophe pouvant conduire à un déficit de l’ordre de 100 GW si les interconnexions avec les pays voisins ne sont pas mobilisables (épisodes de « Dunkelflaute » sans vent ni soleil donc sans EnR électriques sur la plaque européenne par exemple), ou si des solutions de flexibilité pluri-journalières et saisonnières ne permettent pas de compenser l’intermittence de la production des EnR. Ces écarts représentent dans tous les cas, la capacité de production de plusieurs dizaines de réacteurs nucléaires. Ils pourraient se produire plus tôt, si les capacités de production ENR, la faible disponibilité du parc nucléaire existant, aggravées par une moindre rénovation des bâtiments et/ou une interdiction de renouvellement des chaudières, signaient l’échec de notre transition.Tout système énergétique doit pouvoir répondre à trois objectifs : la décarbonation, qui demeure un impératif vital pour l’humanité, la résilience pour assurer la continuité de service indispensable aux activités humaines et la préservation du pouvoir d’achat des ménages, notamment les plus modestes. Construire un sentier de transition qui réponde à ces objectifs suppose de ne pas limiter l’analyse au seul critère, indispensable, des émissions de gaz à effet de serre, mais de retenir la trajectoire qui permet de minimiser le risque de résilience comme le risque sur le pouvoir d’achat que ferait peser une production insuffisante d’énergie alors même que les usages progressent rapidement.La prégnance du risque d’approvisionnement électrique amène à formuler plusieurs recommandations.Il est naturellement indispensable de développer toutes les énergies renouvelables et bas carbone le plus vite possible, non seulement électriques mais également thermiques, l’électricité n’ayant vocation à couvrir que 50% des usages à terme. Le défi technique de la transition est tel qu’on ne peut redouter un excès d’énergie bas carbone : cela n’aurait comme conséquence que de permettre de disposer d’énergie bon marché et d’accélérer la transition écologique. Et il demeure nécessaire de déployer rapidement les efforts d’efficacité énergétique (choix des meilleurs appareils) et surtout de sobriété qui permettront de limiter la demande à un niveau compatible avec les limites planétaires – sans changement de société, les objectifs de transition ne seront pas atteints et le système énergétique n’arrivera pas à faire face.Il faut toutefois, au-delà de ces recommandations classiques, s’assurer de la concordance de la montée en charge des usages et de la production, par exemple en s’assurant que le déploiement massif des nouveaux usages souhaitables (véhicules électriques légers, pompes à chaleur) n’anticipe pas trop la production attendue et donc ne conduit pas à déployer en urgence des moyens de production carbonés alors même que la société vient de réinvestir dans de nouveaux appareils. Pour ce faire, il demeure indispensable de consacrer les moyens électriques renouvelables et bas carbone additionnels à ce qui permet d’abattre le plus de carbone – remplacer le pétrole des véhicules, comme l’électricité fortement carbonée importée désormais structurellement d’Allemagne par de nouveaux moyens de production bas carbone demeure à ce stade le meilleur usage pour la planète.Il convient en outre de dé-risquer la transition en prévoyant autant que possible les systèmes qui permettent d’éviter la constitution de pointes additionnelles de consommation électrique, notamment l’hiver. La réussite de la rénovation thermique des logements demeure cardinale. Son échec mettrait sans doute sous tension la capacité à produire suffisamment d’électricité pour répondre à la demande en période de froid. On pourrait donc prévoir par défaut que les maisons s’équipent de pompes à chaleur hybrides, pompes à chaleur se reportant au moment des grands froids vers le gaz. Cela pour éviter la construction de centrales gaz au rendement thermique de 40% pour couvrir un besoin saisonnier d’électricité en cas de froid, alors que le choix de la pompe à chaleur hybride, au coût identique à un appareil classique, permet de consommer beaucoup moins de gaz. On pourrait de même encourager les micro-cogénérations et toutes les solutions qui apportent de la flexibilité au système électrique.Les politiques ont désormais fixé à l’échelle européenne un programme ambitieux de décarbonation. La politique est aussi un art d’exécution. L’heure est désormais à l’invention du chantier de transition qui permettra d’éviter que ce changement indispensable ne se fasse aux dépens de la cohésion sociale et de la qualité de vie des habitants.* Bouquet de nouvelles flexibilités du scénario N2 de RTE (hors STEP et centrales thermiques) : 15 GW d’effacements de demande (14 GW d’activités productives – industriels, électrolyseurs, tertiaire – et 1 GW de sites résidentiels), 2 GW de batteries, 1,7 GW de batteries de véhicules électriques.En 2020, la France était le seul pays européen qui manquait ses objectifs d’intégration d’énergies renouvelables (ENR) dans son mix énergétique (cf. infographie Le Monde ci-contre).En 2023, la France risque fort de manquer à nouveau ses objectifs de construction de nouvelles capacités d’ENR fixés par la Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE). L’éolien terrestre et le photovoltaïque notamment, doivent progresser 3 et 6 GW en 2023 pour atteindre leurs objectifs, des croissances annuelles de 50% pour l’éolien et supérieure à 200% pour le solaire par rapport à 2022, qui paraissent inatteignables.Notons toutefois que certaines filières, comme l’hydroélectricité ou le biométhane injecté, ont d’ores et déjà réalisé leurs objectifs fixés par la PPE.C’est dans ce retard pris par la France dans le développement de ces nouvelles capacités renouvelables et décarbonées, que le projet de loi sur l’accélération des énergies renouvelables trouve sa raison d’être. Le texte visait à donner à la France l’occasion de rattraper ce retard en allégeant les procédures administratives, en accélérant le développement du solaire et de l’éolien en mer et en favorisant l’adhésion aux projets au niveau local. Sa capacité à le faire demeure incertaine. Les maires ont par exemple obtenu la possibilité de déterminer des zones d’implantation prioritaire pour les éoliennes, qu’il suffira de prévoir en dehors des couloirs de vent. En revanche, cette loi ne couvre pas les solutions de flexibilités nécessaires pour compenser l’irrégularité, notamment saisonnière, de la production de ces renouvelables, et assurer la sécurité d’approvisionnement future. Elle n’apporte pas non plus de mesure d’accélération spécifique à l’éolien terrestre et pourrait donc entériner un frein dans le développement de cette filière, comme annoncé par le Président de la République, en étalant l’objectif de doublement de la capacité actuelle sur trente ans (au lieu de dix)[1]. Cet objectif revu à la baisse correspond au rythme de déploiement actuel ; il multiplierait donc les facteurs de risque dans un scénario d’offre réduit sans réduction concomitante de la demande.Par ailleurs, un texte de loi complémentaire est attendu pour planifier la construction de nouvelles capacités nucléaires. Il devra fixer des objectifs crédibles pour cette filière, à l’heure où le projet de nouvel EPR de Flamanville accuse de nouveaux retards, et où le parc nucléaire existant connait un niveau de disponibilité historiquement bas à cause de problèmes de corrosion.Dans ce contexte, il est légitime de poser la question de l’impact de retards chroniques sur les objectifs annuels de construction de nouvelles capacités. De nombreux scénarios de transition énergétique reposent en effet sur ces nouvelles constructions et sur une demande croissante d’électricité, sur laquelle pèsent également des incertitudes. Pics de demande hivernal, nouveaux usages, politiques d’électrification des usages existants : nombreux sont les facteurs qui peuvent impliquer une sollicitation plus importante du système électrique à moyen ou long terme.Une estimation rustique permet de se donner quelques ordres de grandeur. Si les rythmes de développement des principales énergies renouvelables permettaient de rattraper le retard actuel (atteinte des objectifs de la PPE en 2028), mais ne pouvaient pas aller au-delà ensuite (rythmes imposés par la PPE maintenus stables après 2028), alors il pourrait manquer jusqu’à 9 GW de capacités (essentiellement de l’éolien offshore) pour concrétiser le mix électrique prévu par RTE dans son scénario N2, mêlant de manière équilibrée les énergies renouvelables et le nouveau nucléaire. Notons d’ailleurs que ce mix équilibré minimise le nombre de nouvelles capacités à construire parmi les scénarios envisagés par RTE. Si les rythmes de déploiement étaient encore plus contraints, par exemple limités aux rythmes actuels, il manquerait à court terme une dizaine de GW d’EnR (solaire et éolien terrestre), puis il pourrait manquer jusqu’à 23 GW de capacités en 2050 par rapport aux prévisions du scénario N2 (essentiellement des capacités nucléaires)[2].Sur la période 2030–2040, les retards de capacités pourraient se concentrer sur le solaire et l’éolien terrestre. Sur cette période, des risques d’indisponibilité du parc nucléaire ne sont pas à exclure pour autant, mais ils concernent davantage le parc existant que les nouvelles constructions attendues principalement après 2040, même si des indisponibilités existent souvent en phase de lancement. Ces risques d’indisponibilité du parc nucléaire existant (problèmes de corrosion persistants ou non, prolongation de la durée de vie de certains réacteurs par exemple…) n’ont pas été quantifiés dans cette note.À partir de 2040, la montée en puissance de ces filières EnR (solaire et éolien terrestre) pourrait compenser le retard accumulé, mais se poserait alors la question de la mise en service de flexibilités suffisantes pour compenser l’intermittence des EnR (voir ci-après).Par ailleurs, la montée en puissance du nouveau nucléaire et de l’éolien en mer paraît à ce jour insuffisante. Le défi d’accélération est immense : il suppose simultanément l’accélération de la validation des dossiers en amont, la disponibilité des ressources humaines formées sur l’ensemble de la chaîne de valeur, alors que cette filière n’a pas été suffisamment renouvelée, comme la capacité à mener et plus encore à paralléliser des chantiers complexes opérationnellement. Or, sans accélération forte par rapport aux rythmes actuels, ces filières accuseraient des retards importants entre 2040 et 2050. En particulier en 2050, une quinzaine de GW de nouveau nucléaire pourrait manquer. Cet écart est proche de celui qui sépare les trajectoires haute (N2) et basse (N1) de RTE (Figure 1).Figure 1 – Trajectoires de développement de nouvelles tranches nucléaires (nouveaux EPR2), Futurs Énergétiques 2050, RTE (2022)De plus, la capacité de production renouvelable électrique à développer n’est pas entièrement pilotable, et reste largement dépendante des conditions météorologiques. La capacité française à assurer la sécurité d’approvisionnement dépendra donc du développement approprié de nouvelles solutions de flexibilité et de stockage.RTE développe ces solutions de flexibilité de manière intensive dans la majorité des scénarios des Futurs Énergétiques 2050 : les stations de pompage hydrauliques se développent sur la plupart des sites européens capables d’en accueillir, les excédents d’électricité renouvelable sont utilisés pour produire de l’hydrogène par électrolyse (power-to-gaz) et le pilotage de la demande (effacement, reports de consommation) se développe à court terme. Le scénario N2, qui nécessite là encore le moins de nouvelles capacités de flexibilité du fait de l’équilibre nucléaire-EnR, requiert tout de même la mise en place de plus de 20 GW de flexibilité dès 2040. La technologie de Power-to-X et les flexibilités de la demande industrielle en composent une grande partie. Il s’agit aujourd’hui de technologies non éprouvées. Seul l’effacement industriel a apporté une flexibilité significative aujourd’hui, mais un changement d’échelle de cette solution pose question : l’activité industrielle en serait perturbée, avec un risque de destruction de demande (baisse durable de l’activité industrielle) accru. De même, le recours récurrent à l’interruption de la production d’hydrogène du futur parc d’électrolyseur impacterait négativement la rentabilité de cette activité. En somme, la flexibilité par la consommation ne constitue pas une solution durable pour couvrir les pointes de consommation, notamment saisonnières. Encore moins dans des situations où il y a un risque d’indisponibilité des capacités de production d’électricité (risques de retard de mises en service ou, comme aujourd’hui, moindre disponibilité du parc nucléaire) : dans ces situations, une spirale de prix élevés et de désindustrialisation ne saurait qu’être aggravée par des interruptions visant à équilibrer le réseau électrique.Par ailleurs, les rythmes de développement des flexibilités prévues par le scénario N2 en 2040 et au-delà peuvent questionner par leur réalisme (plus de 1 GW par an, rythme similaire à celui de l’éolien terrestre aujourd’hui) : ils paraissent trop ambitieux pour des technologies non éprouvées à grande échelle (batteries, pilotage de la charge et décharge des flottes de véhicules élec…). D’autant plus qu’à court terme (d’ici 2030), France Stratégie souligne que les rythmes de développement de ces flexibilités sont encore incertains[3].Les systèmes électriques européens étant interconnectés, c’est aussi à cette échelle qu’il faut s’intéresser au dimensionnement des capacités de production et des solutions de flexibilité associées : elles sont déterminantes pour la sécurité d’approvisionnement. Ainsi, le scénario N2 de RTE prévoit le développement de près de 25 nouveaux GW d’interconnexions avec nos pays transfrontaliers. Or, dans les prochaines années, la plupart des gouvernements européens envisagent de décommissionner d’importantes capacités de production pilotable. D’ici 2035, ce sont 80 GW de puissance pilotable qui pourraient être retirés du réseau interconnecté reliant la France à ses pays frontaliers, du fait de fermetures programmées de centrales à charbon et nucléaires[4].Aussi, la France ne pourra pas toujours compter sur ses capacités d’interconnexion pour boucler l’équilibre offre-demande, sachant que ses voisins européens partagent ces mêmes enjeux grandissants de dépendances aux conditions climatiques et de moindre pilotabilité de la production d’électricité. Dans les territoires de nos voisins européens, la question de la sécurité énergétique se pose aussi de façon plus prégnante.En conclusion, si les rythmes de mise en service des capacités de production d’électricité n’augmentent pas fortement, 10 à 20 GW de capacités, principalement pilotables, pourraient manquer à l’horizon 2050 par rapport au scénario de RTE N2 qui prévoit le moins de nouvelles capacités. Dans ce scénario, les retards de mise en service d’EnR pourraient être moins importants (potentiellement quelques GW en 2050 pour l’éolien offshore), mais des doutes pèsent sur les moyens de flexibilité qui seraient mobilisés pour compenser l’intermittence de ces EnR. La flexibilité par la consommation ne constitue pas une solution durable pour couvrir les pointes de consommation, notamment saisonnières, encore moins s’il existe des tensions sur la disponibilité des capacités de production (risque de spirale de désindustrialisation). Parallèlement, dans tous les scénarios de RTE, d’autres solutions de flexibilité doivent être déployées de façon massive. Dans la mesure où il n’y a pas de retour d’expérience de déploiement à grande échelle de ces solutions, il convient d’envisager des aléas. En somme, il parait raisonnable d’envisager que les 20 GW de flexibilité prévus ne seraient pas mobilisables, ou uniquement de façon transitoire et pour des équilibrages du réseau de très court terme, mais pas pour compenser l’intermittence pluri-journalière ou saisonnière des EnR. Enfin, nos voisins européens réduisent, eux aussi, la part des énergies pilotables dans leur mix électrique de façon massive (-80 GW à l’horizon 2035) : il est donc vraisemblable que les 25 GW de nouvelles interconnexions prévues entre la France et ses voisins ne pourront pas être exploitées au maximum de leur capacité lors des épisodes climatiques défavorables (par exemple, lors d’épisodes de « Dunkelflaute », bien connus en Allemagne, caractérisés par de faibles productions éolienne et solaire, combinées à une consommation d’électricité élevée en hiver).La France accuse aujourd’hui « un énorme retard » en matière de rénovation énergétique des bâtiments[5]. Pour atteindre un parc dit de Bâtiments Basse Consommation énergétique (ou « BBC ») comme le demande la SNBC à l’horizon 2050, la rénovation d’au moins 1% du parc par an est nécessaire dès aujourd’hui, puis près de 2% d’ici à 2030. Or, selon une analyse du Haut Conseil du Climat, seules 0,2% des rénovations entreprises entre 2012 et 2016 seraient des rénovations globales satisfaisant les critères BBC[6]. En conséquence, la consommation énergétique finale de chauffage toutes énergies confondues – corrigée des aléas climatiques – dans les secteurs résidentiel et tertiaire n’a pas baissé de 2000 à 2020[7]. Ainsi, une multiplication des efforts par un facteur 5 est nécessaire pour atteindre l’objectif de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) à partir de 2023[8].Le rapport des Perspectives Gaz 2022 du service public du gaz et de ses opérateurs (GRTgaz, Terega, GRDF, SPEGGN) modélise une variante de consommation détaillant l’impact d’actions de rénovation dont la performance serait divisée par 2 dans le secteur du bâtiment par rapport aux hypothèses du scénario de référence qui aboutissent à un parc de Bâtiment Bas Carbone (BBC) en 2050, conformément aux objectifs de la SNBC. Une telle variante se traduirait par une consommation d’électricité supplémentaire de 7 TWh par rapport à la trajectoire de référence en 2050[9], et par un impact sur la pointe électrique nette de 4 GW supplémentaires dans le cas d’un pic de froid hivernal similaire à celui de l’année 2012. Ce surplus de puissance est relativement faible car le mix énergétique pris pour référence par les opérateurs de réseau de gaz est bien équilibré. Toutes énergies confondues, le surplus de puissance nécessaire serait alors de 13 GW. Ainsi, avec un scénario de référence reposant davantage sur l’électricité pour le chauffage des bâtiments (comme le prévoient la SNBC et le scénario de RTE), une rénovation deux fois moins efficace conduirait probablement à des pointes de consommation d’électricité accrues de près de 10 GW.De façon analogue à l’horizon 2035, le rapport RTE-ADEME sur la contribution du chauffage dans les bâtiments à la réduction des émissions de CO2 tire des conclusions similaires. Un retard sur le nombre et la qualité des rénovations entrainerait selon l’étude, une augmentation de la consommation électrique de 8 à 14 TWh par an en 2035 ainsi qu’une augmentation de la pointe électrique en hiver de 6 à 9 GW, et des émissions de CO2 de 9 à 11 Mt/an, en fonction de la pénétration des pompes à chaleur dans le secteur.Par ailleurs, même avec des gains de rénovation significatif, il ne faut pas exclure le risque d’effets « rebond ». RTE sous-estime à ce stade les effets rebond liés à la rénovation. Les travaux d’évaluation des programmes d’efficacité énergétique gratuits aux Etats-Unis effectués par Michael Greenstone[10] montrent que les crédits gratuits proposés sous l’administration Obama pour la rénovation des logements n’ont eu que peu d’efficacité pour un coût significatif. Seuls 15 % des gens ont été réceptifs, 7,5% sont allés jusqu’au bout des travaux, avec des économies de 20% à peine sur leurs factures. Les travaux sur données françaises de Matthieu Glachant[11] sont convergents. Ils estiment que le temps nécessaire pour amortir les travaux de rénovation dépasse le siècle. Cet effet contre-intuitif repose sans doute à la fois sur la qualité insuffisante des travaux et sur l’importance de l’effet rebond – des ménages se chauffant mal accèdent grâce à eux au bien-être, compensant pour partie les baisses de consommation permises par la rénovation. Cet effet est largement sous-estimé dans l’actuelle stratégie nationale bas carbone (SNBC) qui ne l’anticipe pas. En s’appuyant sur la performance attendue par la SNBC, les travaux de RTE minimisent à ce stade le besoin d’énergie notamment lors des épisodes de froid. La mise à jour à la fin du printemps de ses scénarios conduira sans doute à une réévaluation du besoin de moyens à la pointe.Enfin, toute politique qui accentuerait la trajectoire d’électrification des usages par rapport au scénario de référence mentionné dans la première partie (scénario de consommation des Futurs Énergétiques 2050, RTE), accentuerait aussi l’écart que nous avons identifié avec le développement de l’offre. Une politique d’interdiction de renouvellement des équipements gaz dans le bâtiment à court terme par exemple, aurait pour conséquence de réduire la consommation de gaz dans le bâtiment, mais également le transfert rapide de plusieurs millions de consommateurs de gaz vers le vecteur électrique.En France, une politique de non-renouvellement des équipements gaz pourrait, si elle était initiée, réhausser la pointe électrique hivernale de 10 à 20 GW en 2040 et en 2050. Il est important d’insister sur un point : ces estimations[12] se fondent sur des hypothèses de rénovation des bâtiments ambitieuses ; tout écart qui conduirait à des baisses moins importantes des besoins de chauffage accentuerait encore l’impact sur la pointe électrique. Concrètement, la dizaine de GW liée au risque de rénovation moins performante et les 10 à 20 GW de pointe supplémentaire liés à une conversion du parc de chaudières gaz peuvent se cumuler.Ces informations sont à mettre au regard de la disponibilité future des capacités de production du parc électrique français évoquées plus haut, et du rythme de développement des solutions de flexibilités capables répondre à des variations, saisonnières ou moyen terme, de demande d’électricité et des tensions sur l’offre, de plus en plus intermittente.À cet égard, il est intéressant de souligner encore que des situations défavorables peuvent tout à fait se cumuler pour creuser l’écart entre la demande et la disponibilité de l’offre d’électricité :10 à 20 GW de capacité de production à l’horizon 2050, principalement pilotables (nucléaires), indisponibles dans le cas du scénario N2 retardé ;20 GW de capacité de flexibilité à l’horizon 2050, indisponibles ou limités à des périodes transitoires et des équilibrages réseau de très court terme ;Une part des 25 GW de nouvelles interconnexions, qui pourrait être indisponible ou intermittente, du fait du décommissionnement de moyens de production pilotables chez nos voisins (- 80 GW à l’horizon 2035) ;10 GW supplémentaires aux heures de pointes en hiver en cas de rénovation moins performante des logements dès 2035, puis à l’horizon 2050 ;10 à 20 GW supplémentaires aux heures de pointes en hiver en cas d’interdiction de renouvellement des chaudières au gaz (horizon 2040 et 2050).Au total, les écarts offre-demande pourraient, s’ils se cumulaient, atteindre 30 à 50 GW lors des pointes hivernales, voire bien davantage (jusqu’à 45 GW supplémentaires) si les interconnexions avec les pays voisins ne sont pas mobilisables (épisodes de « Dunkelflaute » sur la plaque européenne), ou si des solutions de flexibilité pluri-journalière et saisonnière ne permettaient pas de compenser l’intermittence de la production des EnR. Ces écarts représentent la capacité production de plusieurs dizaines de réacteurs nucléaires. 3. La prise en compte du risque d’approvisionnement des industries et des ménagesLa prégnance du risque d’approvisionnement électrique amène à formuler plusieurs recommandations.Il est naturellement indispensable de développer toutes les énergies renouvelables et bas carbone le plus vite possible, non seulement électriques mais également thermiques, l’électricité n’ayant vocation à couvrir que 50% des usages à terme. Le défi technique de la transition est tel qu’on ne peut redouter un excès d’énergie bas carbone : cela n’aurait comme conséquence que de permettre de disposer d’énergie bon marché et d’accélérer la transition écologique. Et il demeure nécessaire de déployer rapidement les efforts d’efficacité énergétique (choix des meilleurs appareils) et surtout de sobriété qui permettront de limiter la demande à un niveau compatible avec les limites planétaires – sans changement de société, les objectifs de transition ne seront pas atteints et le système énergétique n’arrivera pas à faire face.Il faut toutefois, au-delà de ces recommandations classiques, s’assurer de la concordance de la montée en charge des usages et de la production, par exemple en s’assurant que le déploiement massif des nouveaux usages souhaitables (véhicules électriques légers, pompes à chaleur) n’anticipe pas trop la production attendue donc ne conduise pas à déployer en urgence des moyens de production carbonés alors même que la société vient de réinvestir dans de nouveaux appareils. Pour ce faire, il demeure indispensable de consacrer les moyens électriques renouvelables et bas carbone additionnels à ce qui permet d’abattre le plus de carbone – remplacer le pétrole des véhicules, comme l’électricité fortement carbonée importée désormais structurellement d’Allemagne par des moyens bas carbone demeure à ce stade le meilleur usage pour la planète.Il convient en outre de dé-risquer la transition en prévoyant autant que possible les systèmes qui permettent d’éviter la constitution de pointes additionnelles de consommation électrique, notamment l’hiver. La réussite de la rénovation thermique des logements demeure cardinale. Son échec mettrait sans doute sous tension la capacité à produire suffisamment d’électricité pour répondre à la demande en période de froid. On pourrait donc prévoir par défaut que les maisons s’équipent de pompes à chaleur hybrides, pompes à chaleur se reportant au moment des grands froids vers le gaz. Cela pour éviter la construction de centrales gaz au rendement thermique de 40% pour couvrir un besoin saisonnier d’électricité en cas de froid, alors que le choix de la pompe à chaleur hybride, au coût identique à un appareil classique, permet de consommer beaucoup moins de gaz. On pourrait de même encourager les micro-cogénérations et toutes les solutions qui apportent de la flexibilité au système électrique.Les politiques ont désormais à l’échelle européenne fixé un programme ambitieux de décarbonation. La politique est aussi un art d’exécution. L’heure est désormais à l’invention du chantier de transition qui permettra d’éviter que ce changement indispensable ne se fasse aux dépens de la cohésion sociale et de la qualité de vie des habitants.[1] https://www.novethic.fr/actualite/energie/energies-renouvelables/isr-rse/le-retard-de-la-france-sur-les-energies-renouvelables-va-lui-couter-plusieurs-centaines-de-millions-d-euros-151202.html[2] En supposant que le nucléaire se développerait deux fois plus vite que le chantier de Flamanville.[3] France Stratégie, Quelle sécurité d’approvisionnement électrique en Europe à horizon 2030 ?, janvier 2021[4] France Stratégie, Quelle sécurité d’approvisionnement électrique en Europe à horizon 2030 ?, janvier 2021[5] Le Monde, L’énorme retard de la France en matière de rénovation énergétique des bâtiments, 11 février 2022[6] Haut Conseil du Climat (HCC), « Rénover mieux : leçons d’Europe », novembre 2020[7] SDES, Bilan énergétique de la France pour 2020. Données clés (developpement-durable.gouv.fr)[8] ADEME, IDDRI, « Réussir le pari de la rénovation énergétique », mai 2022[9] Et 11 TWh supplémentaires de gaz[10] « Are the Non-Monetary Costs of Energy Efficiency Investments Large? Understanding Low Take-up of a Free Energy Efficiency Program » (with Meredith Fowlie and Catherine Wolfram), American Economic Review Papers and Proceedings, 2015, 105(5): 201–204. // « Do Energy Efficiency Investments Deliver? Evidence from the Weatherization Assistance Program » (with Meredith Fowlie and Catherine Wolfram), Quarterly Journal of Economics, 2018, 133(3): 1597–1644.[11] Mathieu Glachant, « La rénovation thermique réduit-elle vraiment votre facture énergétique », The conversation, 18 novembre 2019[12] Estimations concordantes